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Page:Austen - Orgueil et préjugé, 1966.djvu/160

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— Quelle différence y a-t-il, je vous prie, en fait de mariage, entre des motifs prudents et des motifs intéressés ? Je serais bien aise de savoir où la discrétion finit et où commence l’avarice ? L’hiver dernier vous craigniez qu’il ne m’épousât, parce que cela eût été selon vous imprudent, et aujourd’hui qu’il cherche à plaire à une femme qui n’a cependant que dix mille livres sterling, vous voulez le croire intéressé !

— D’abord répondez à ma question sur Mlle King, et je saurai ce que je dois penser.

— C’est une fort bonne fille, à ce que je crois, je n’en ai jamais ouï dire de mal.

— Mais il ne lui rendait nuls soins, avant que la mort de son grand-père ne l’eût laissée maîtresse de cette fortune ?

— Non ! Pourquoi l’eût-il fait ? S’il ne lui était pas permis de s’attacher à moi parce que je n’avais point de fortune, à propos de quoi aurait-il cherché à se faire aimer d’une femme dont il ne se souciait point, et qui était encore moins riche que moi ?

— Mais lui offrir ses vœux, sitôt après cet événement, n’est pas, ce me semble, un procédé fort délicat.

— Un homme sans fortune n’a pas, comme un autre, le loisir d’observer si minutieusement les convenances ; si d’ailleurs la jeune personne ne s’y refuse point, pourquoi voudrions-nous y trouver à redire ?

— Que Mlle King ne s’y refuse point, ne saurait justifier Wickham ; cela prouve seulement, que cette demoiselle n’est pas des plus sensées.

— Eh bien ! soit, s’écria Élisabeth, croyons, puisque vous le voulez, qu’elle n’est qu’une sotte, et lui un homme fort intéressé.

— Non Lizzy ce n’est point là mon désir ; je serais fâchée, vous le savez, de penser mal d’un jeune homme qui a vécu si longtemps dans Derbyshire.

— Oh ! s’il ne tient qu’à cela, j’ai, je vous assure, une très pauvre idée des jeunes gens de Derbyshire, et leurs intimes amis qui habitent Herford, ne valent guère mieux ;