Page:Austen - Orgueil et préjugé, 1966.djvu/186

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— À si peu de distance, dites-vous ? mais il y a près de cinquante milles !

— Et qu’est-ce que cinquante milles de grande route, on les peut faire dans quelques heures.

— Je n’eusse jamais considéré la distance comme l’un des avantages de ce mariage, je n’eusse jamais dit que Mme Colins demeurait à peu de distance de sa famille.

— C’est une preuve de votre attachement à Herfordshire ; tout, hormis le voisinage même de Longbourn, vous paraîtrait éloigné, je suppose. »

Il sourit en prononçant ces mots, et Élisabeth s’imagina qu’il la croyait occupée en ce moment d’Hélen et de Netherfield, et rougit comme elle lui répondait :

« Je ne veux point dire qu’une femme ne puisse être établie que près de sa famille, cela dépend de diverses circonstances ; lorsqu’on a assez de fortune pour regarder avec indifférence les frais de voyage, l’éloignement ne saurait nuire, mais ici ce n’est point le cas. M. et Mme Colins jouissent d’une honnête aisance, mais ne peuvent, sans se gêner, faire de fréquents voyages, et je suis persuadée que mon amie ne croirait point demeurer près de sa famille, lors même qu’elle n’en serait qu’à la moitié de la présente distance. »

M. Darcy approchant sa chaise d’elle, lui dit :

« Vous ne pouvez être si attachée à Herfordshire ; vous n’avez pu, je suis sûr, toujours rester à Longbourn. »

Élisabeth parut surprise ; Darcy semblait fort agité ; il retira sa chaise, et prenant un journal qui se trouvait sur la table, il en parcourut quelques lignes, puis d’un ton plus froid :

« Comment trouvez-vous Kent ? » dit-il.

Les beautés de cette province donnèrent sujet à un court dialogue, qui ne fut d’aucun côté ni calme ni concis, et bientôt l’arrivée de Charlotte et de sa sœur y vint mettre fin. Le tête-à-tête les surprit, M. Darcy raconta la méprise qui l’avait fait importuner Mlle Bennet, et après avoir été assis quelques instants sans parler beaucoup à aucune d’elles, il se retira.