Page:Austen - Orgueil et préjugé, 1966.djvu/198

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cependant à se calmer, afin de pouvoir lui répondre avec tranquillité lorsqu’il cesserait de parler. Il finit en lui représentant la constance de cet amour que, malgré tant d’efforts, il n’avait pu vaincre, et espérait, disait-il qu’elle récompenserait un attachement si sincère par le don de sa main.

Il parlait de crainte, d’inquiétude, mais ses regards exprimaient l’assurance, circonstance qui accrut encore l’indignation d’Élisabeth, et la plus vive rougeur colorait ses joues lorsqu’elle lui répondit :

« Il est, je crois, d’usage, dans des cas comme celui-ci de se dire reconnaissant pour les sentiments qu’on vous exprime, quelque faiblement qu’ils soient partagés : cette reconnaissance est naturelle, et, si je la pouvais éprouver, je vous remercierais en ce moment, mais cela m’est impossible : jamais je n’ai désiré votre estime, et vous me l’avez certainement accordée bien malgré vous. L’idée de causer du chagrin à qui que ce soit est pour moi une chose pénible ; je l’ai fait cependant sans le vouloir, et j’espère qu’il sera de peu de durée. Les raisons qui, me dites-vous, ont si longtemps empêché l’aveu de vos sentiments pour moi, sauront facilement les vaincre après une pareille explication. »

M. Darcy, appuyé contre la cheminée, les yeux fixés sur elle, semblait l’écouter avec non moins de surprise que d’indignation ; il devenait pâle de colère, tous ses traits trahissaient le trouble de son âme : il s’efforça cependant de reprendre un air tranquille, et ne voulut parler que lorsqu’il crut y avoir réussi. Ce silence était un martyre pour Élisabeth. Enfin, d’une voix qu’il s’imaginait être calme, il dit :

« Et voilà la seule réponse dont vous daignez m’honorer ! Je pourrais désirer savoir pourquoi, d’une manière si peu polie, mes vœux sont ainsi rejetés, mais cela est fort peu important.

— Tout aussi raisonnablement je pourrais vous demander, reprit-elle, pourquoi, étant décidé à me mortifier et à m’insulter, il vous a plu de me dire que vous m’aimiez