Page:Austen - Orgueil et préjugé, 1966.djvu/209

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bien que ce projet me parût peu vraisemblable ; d’ailleurs, j’étais fort disposé à accéder à ses propositions, je savais trop bien que M. Wickham n’avait point les vertus nécessaires à un ecclésiastique ; cette affaire fut donc bientôt terminée ; il renonça à tous droits sur la cure qui lui avait été promise, fût-il même un jour en état de la remplir, et accepta trois mille livres sterling. Toutes liaisons entre nous semblaient être rompues ; je l’estimais trop peu pour le recevoir à Pemberley, ou l’admettre dans ma société à Londres. Ce fut dans cette ville, je présume, qu’il passa la plus grande partie de son temps, mais l’étude des lois n’était qu’un vain prétexte, et sa vie oisive fut celle d’un homme de plaisir.

« Pendant près de trois ans j’entendis peu parler de lui, mais à la mort du bénéficier de la cure qui lui avait été destinée, il m’écrivit pour me la demander ; ses moyens pécuniaires n’étaient point, m’assurait-il, fort considérables ; c’est ce que je crus sans peine. L’état d’avocat lui avait paru fort peu avantageux, et il était enfin décidé à se faire ordonner, si toutefois je le voulais nommer au bénéfice en question ; il paraissait ne point douter que sa prière ne fût accueillie, disant qu’il était assuré que je n’avais personne autre que lui à placer, et que d’ailleurs je ne pouvais oublier les dernières volontés de mon respectable père. Vous ne pouvez, je crois, me blâmer, mademoiselle, de ne m’être point rendu à sa prière, et d’avoir résisté à toutes les instances qu’il me fit à ce sujet. Son indignation fut aussi vive que ses besoins étaient pressants et sans doute que ses plaintes de moi n’ont point été plus mesurées que ne le fut son langage, lorsqu’il se présenta pour la dernière fois chez moi : depuis ce moment il me devint absolument étranger. Comment il vécut, je l’ignore, mais l’été dernier une circonstance bien pénible vint encore le rappeler à mon souvenir. Il me faut maintenant vous faire part d’une chose que je voudrais moi-même pouvoir oublier, et que rien de moins qu’une aussi grave circonstance n’aurait pu m’engager à révéler à qui que ce fût au monde. J’en ai trop dit pour n’être pas assuré de votre discrétion. Ma sœur