Page:Austen - Orgueil et préjugé, 1966.djvu/252

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« Et Mlle Darcy est-elle aussi bien que son frère ? demanda Mme Gardener.

— Oh oui, madame, la plus belle demoiselle qu’on puisse voir, et la plus accomplie ; elle fait de la musique toute la journée : dans la pièce voisine, il y a un superbe piano qu’on a apporté hier pour elle ; c’est un présent de mon maître ; elle vient ici demain avec lui. »

M. Gardener dont les manières étaient fort affables l’encourageait par ses questions et ses remarques à continuer cette conversation ; et mistress Reynolds, soit par vanité ou par attachement, avait évidemment du plaisir à s’entretenir de son maître et de sa sœur.

« Votre maître habite-t-il beaucoup Pemberley ?

— Pas autant que je le pourrais désirer, monsieur ; cependant il y vient assez souvent, et Mlle Darcy y passe toujours toute la belle saison. »

« Excepté lorsqu’elle va à Ramsgate » pensa Élisabeth.

« Si votre maître se décidait à se marier, vous le verriez peut-être plus souvent ?

— Je le pense aussi, monsieur, mais je ne sais quand cela se fera, il trouvera bien difficilement une femme qui soit digne de lui. »

M. et Mme Gardener sourirent, et Élisabeth ne put s’empêcher de dire :

« Penser ainsi, c’est faire de lui un grand éloge.

— Je ne dis que la simple vérité, mademoiselle, et ce que tous ceux qui le connaissent vous diront comme moi. »

Élisabeth pensa que c’était aller un peu loin, et sa surprise s’accrut encore lorsque mistress Reynolds ajouta :

« Jamais je n’ai reçu de lui une parole dure, un ordre impérieux, et cependant il n’avait que quatre ans lorsque je suis entrée ici. »

Cette louange était des plus extraordinaires, et bien opposée aux idées d’Élisabeth, car jamais elle n’avait douté qu’il ne fût d’une humeur dure et hautaine ; sa curiosité, son désir d’en savoir davantage devinrent extrêmes, et avec joie elle entendit son oncle dire :