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Page:Austen - Orgueil et préjugé, 1966.djvu/262

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semblable moment, et garder le silence était assez inconvenant !… Elle désirait discourir, mais chaque sujet lui offrait quelque inconvénient : enfin, elle se rappela qu’elle venait de voyager, et ils parlèrent de Mallock et de Dovedale avec une persévérance admirable. Cependant le temps et sa tante s’avançaient bien doucement, et sa patience et ses idées étaient presque épuisées avant la fin du tête-à-tête. M. et Mme Gardener les joignirent, ils furent tous engagés à prendre quelques rafraîchissements, mais cela fut refusé, et ils se quittèrent de part et d’autre avec la plus parfaite politesse. M. Darcy donna la main à ces dames pour monter en voiture ; comme elle partait, Élisabeth le vit qui prenait lentement le chemin du château.

M. et Mme Gardener commencèrent alors leurs remarques sur lui, avouant l’un et l’autre qu’ils l’avaient trouvé fort supérieur à l’idée qu’ils s’en étaient faite.

« Il ne se fait nullement valoir, dit M. Gardener, il est parfaitement poli et aimable.

— Il y a quelque chose en lui d’imposant.

— Mais je trouve que cela lui sied assez, reprit Mme Gardener, et je puis maintenant dire avec sa femme de charge que, encore que bien des gens le disent fier, je ne m’en suis pas aperçue.

— J’ai été, je l’avoue, fort surpris de sa conduite à notre égard, elle a été plus que polie ; et cependant rien ne l’obligeait à en user ainsi, car il a fort peu connu Élisabeth.

— Il est vrai, Lizzy, dit sa tante, qu’il n’est pas aussi bel homme que Wickham, ou plutôt, il n’a pas autant de physionomie, car ses traits sont parfaitement réguliers ; mais d’où vient que vous nous avez parlé de lui d’une manière si peu favorable ? »

Élisabeth s’excusa du mieux qu’elle put.

« Dans Herfordshire je l’avais mal jugé, ajouta-t-elle ; à son voyage de Kent il m’a plu davantage, mais je ne l’avais jamais vu aussi aimable qu’il l’a été ce matin.

— Si je ne le jugeais que d’après l’impression qu’il m’a faite, continua Mme Gardener, je ne pourrais croire