Page:Austen - Orgueil et préjugé, 1966.djvu/275

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changement, sinon que son teint était un peu hâlé effet assez ordinaire d’un voyage dans une saison aussi chaude.

« Quant à moi, continua-t-elle, je dois avouer que jamais je n’ai pu la trouver jolie ; sa figure est trop maigre, son teint n’a point d’éclat, et ses traits certainement ne sont point réguliers ; son nez est trop court ; ses dents sont passables, il est vrai, mais on en voit beaucoup de plus belles ; et quant à ses yeux, que parfois on s’est plu à trouver si beaux, je n’ai jamais pu les admirer : ils ont une expression dure, méchante même, que je ne puis souffrir, et dans toute sa personne, il y a un air de suffisance sans dignité, qui est vraiment insupportable. »

Mlle Bingley étant intimement convaincue que Darcy chérissait Élisabeth, ne choisissait pas le vrai moyen de se rendre agréable auprès de lui, mais quand l’amour-propre est blessé, on ne réfléchit guère ; le voyant enfin un peu piqué, elle obtint tout le succès qu’elle pouvait se promettre ; il garda cependant le silence, c’est ce qui la contrariait fort, et voulant absolument le forcer à parler, elle ajouta :

« Je me rappelle lorsque d’abord nous fîmes connaissance avec elle, combien notre étonnement fut grand d’apprendre qu’elle était en réputation de beauté ; il me souvient même de ce que vous nous dîtes à ce sujet, un jour que tous les Bennet avaient dîné à Netherfield ; elle une jolie femme, ce furent vos paroles ; on pourrait aussi justement nommer sa mère un bel esprit, mais ensuite elle vous plut davantage, et je crois même que dans un temps, vous la trouviez presque jolie.

— Oui, repartit Darcy, qui ne se pouvait plus contraindre, mais quand je pensais ainsi, je la connaissais peu, car il y a déjà longtemps que je la regarde comme une des plus belles femmes de ma connaissance. »

Il quitta alors l’appartement laissant Mlle Bingley jouir de la triste satisfaction de l’avoir forcé à dire ce qui ne pouvait causer de peine qu’à elle seule.

Mme Gardener et Élisabeth s’entretinrent en chemin de tout ce qui était arrivé pendant leur visite, excepté de ce