Page:Austen - Orgueil et préjugé, 1966.djvu/340

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

mère s’approcha de la fenêtre ; elle regarda, elle vit M. Darcy avec lui, et se rassit sur-le-champ près de sa sœur.

« Il y a un monsieur avec lui, maman, dit Kitty. Qui peut-il être ?

— Quelqu’un de ses amis, je suppose, ma chère ; en vérité, je ne le connais pas.

— Là ! là ! reprit Kitty, il ressemble à celui qui était avec lui l’an passé. M… quel est son nom, à ce bel homme si fier ?

— M. Darcy ? c’est bien lui ! Vous avez raison, tous les amis de M. Bingley seront toujours reçus par moi avec plaisir ; j’avoue, cependant, qu’il en est peu que je ne préfère à celui-ci. »

Hélen regarda Élisabeth avec étonnement. Elle ne savait que fort peu de choses de leur entrevue dans Derbyshire, et pensait combien sa sœur devait se trouver embarrassée, en le voyant presque pour la première fois, depuis qu’elle avait reçu la fameuse lettre justificative. Les deux sœurs n’étaient, il est vrai, nullement à leur aise, chacune d’elle souffrait pour l’autre, et naturellement pour elles-mêmes ; et leur mère continua à discourir sur M. Darcy, à parler de son antipathie pour lui et de son intention de ne le recevoir poliment, que par égard pour M. Bingley, sans être entendue de ses deux filles aînées. Mais Élisabeth avait une cause d’inquiétude qui ne pouvait être soupçonnée par Hélen, à qui elle n’avait point encore eu le courage de montrer la lettre de Mme Gardener, ou de confier le changement qui s’était opéré dans ses sentiments envers lui. Pour Hélen, il n’était que l’homme dont elle avait rejeté les vœux, et déprécié le mérite, mais pour elle, que n’était-il point ? Elle voyait en lui une personne à qui toute sa famille devait un service des plus importants, et pour lequel elle sentait elle-même un intérêt, sinon aussi tendre, du moins aussi juste et aussi raisonnable, que celui qu’Hélen éprouvait pour Bingley ; sa surprise de le savoir à Netherfield, à Longbourn, de ce qu’il la recherchait encore, était au moins égale à celle qu’elle avait éprouvée dans Derbyshire, en remarquant pour la première fois le changement de son ton et de ses manières.