Page:Austen - Orgueil et préjugé, 1966.djvu/342

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Mme Gardener, question à laquelle Élisabeth ne put répondre sans rougir, ne parla presque plus. Il ne se trouvait pas, il est vrai, placé près d’elle ; peut-être était-ce là la cause de son silence, mais dans Derbyshire il n’en avait point été ainsi : là, il parlait à ses parents, lorsqu’il ne lui pouvait parler à elle-même ; mais ici plusieurs minutes se passèrent avant qu’on entendît le son de sa voix ; et si parfois, ne pouvant vaincre sa curiosité, elle se hasardait à lever les yeux sur lui, elle se trouvait aussi souvent regardant Hélen qu’elle-même, et plus fréquemment encore ses regards semblaient ne s’arrêter sur rien. Plus de réserve et moins d’empressement à plaire que lors de leur dernière rencontre, cela était évident ! Elle en était contrariée, et se reprochait de l’être.

« Comment pouvais-je m’attendre à le trouver autrement ? se disait-elle ; et cependant pourquoi vient-il ici ? »

Elle n’était en humeur de causer avec nul autre que lui, et n’avait pourtant pas le courage de parler ; elle lui demanda néanmoins des nouvelles de sa sœur, mais ne put en dire davantage.

« Vous avez été bien longtemps absent, monsieur Bingley, dit Mme Bennet.

— Il est vrai, madame !

— Je commençais à craindre que vous ne revinssiez plus ; on disait même qu’à la Saint-Michel vous abandonneriez entièrement le pays : j’espère que cela est faux ? Bien des choses se sont passées dans le voisinage depuis votre départ : Mlle Lucas est mariée, une de mes filles l’est aussi ; vous en avez, je présume, entendu parler ? Vous avez dû le voir, il est vrai, dans les journaux. C’était dans le Times et le Courrier[1] ?

— Je le sais, mais l’article était mal rédigé, il n’y

  1. On n’a point l’usage, en Angleterre, d’envoyer des lettres de faire-part ; on fait annoncer son mariage dans les journaux.