Page:Austen - Orgueil et préjugé, 1966.djvu/357

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Élisabeth ; mais comment vous a-t-il expliqué son ignorance ?

— C’était sans doute l’ouvrage de ses sœurs, elles ne se souciaient point certainement de le voir s’attacher à moi. Et le moyen de m’en étonner ? Il pouvait faire un choix bien plus avantageux pour lui ; mais enfin lorsqu’elles verront, comme je l’espère, leur frère heureux avec moi, elles s’en consoleront ; et bien que notre liaison ait perdu son plus grand charme, du moins nous serons encore bien ensemble.

— Oh ! dit Élisabeth, si je vous vois encore la dupe des protestations d’amitié de Mlle Bingley, je vous en voudrai vraiment.

— Croiriez-vous, chère Lizzy, que lorsqu’il est parti pour Londres, au mois de novembre dernier, il m’aimait sincèrement, et que la seule certitude de mon indifférence pour lui, l’a empêché de revenir ?

— Il s’abusait un peu, il est vrai, mais enfin cela fait honneur à sa modestie. »

Cela naturellement amena Hélen à faire l’éloge de son ami et du peu de vanité qu’il tirait des qualités aimables dont l’avait doué la nature.

Élisabeth se réjouit en voyant qu’il n’avait point trahi la part que Darcy avait prise dans cette affaire, car encore qu’Hélen possédât le cœur le plus noble, le plus indulgent, elle savait cependant que c’était une circonstance, qui aurait pu la prévenir contre lui.

« Peut-il exister dans l’univers une femme aussi heureuse que moi ? s’écria Hélen. Oh ! Lizzy, pourquoi suis-je ainsi choisie parmi toutes mes sœurs ? Si au moins je pouvais vous voir jouir d’un bonheur égal ; si seulement, il y avait dans le monde un autre homme comme lui, qui vous aimât comme il m’aime.

— Quand vous m’en donneriez cent encore meilleur que lui, je ne saurais être aussi heureuse que vous ! Si je n’ai votre aimable candeur, votre bonté, comment avoir votre bonheur ? Non, non, laissez-moi courir ma chance, et peut-être, si la fortune me traite en amie, trouverai-je avec le temps un autre M. Colins. »