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Page:Austen - Orgueil et préjugé, 1966.djvu/38

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de si bonne heure et toute seule, était pour Mme Hurst et miss Bingley une chose presque incroyable. Élisabeth s’aperçut facilement qu’elles trouvaient cette démarche ridicule. Elles la reçurent néanmoins avec beaucoup de civilité, et dans l’accueil de leur frère il y avait un peu plus que de la politesse : il était content et attentif. M. Darcy parla peu, et M. Hurst ne dit pas un mot. Les pensées du premier étaient partagées entre l’admiration de l’éclat que l’exercice avait donné au teint d’Élisabeth et le doute que son motif pût la justifier d’être venue toute seule. Le second n’était occupé que de son déjeuner.

Aux questions qu’elle posa sur la santé de sa sœur, elle ne reçut pas de réponse bien satisfaisante : Mlle Bennet avait eu de la fièvre et, quoique levée, n’était pas assez bien pour quitter la chambre. Élisabeth désira d’y être conduite sur-le-champ, et Hélen, qui n’avait osé prier sa sœur de venir, par crainte de causer trop d’inquiétude ou de dérangement, témoigna le plus vif plaisir en la voyant. Elle n’était pas en état de parler beaucoup ; et quand Mlle Bingley les laissa seules, elle ne put que dire à sa sœur combien elle était reconnaissante de toutes les bontés que ces dames avaient pour elle. Élisabeth s’occupa en silence de la soigner.

Quand le déjeuner fut fini, les deux sœurs vinrent les joindre, et Élisabeth commença elle-même à les aimer lorsqu’elle vit la tendre sollicitude qu’elles témoignaient à Hélen. Le chirurgien du lieu vint et, ayant examiné la malade, dit, comme on pouvait l’imaginer, qu’elle avait un rhume sérieux ; il lui conseilla de se mettre au lit, en attendant quelques drogues qu’il devait envoyer. Son avis fut suivi sans peine, car le frisson augmentait, et Hélen avait un violent mal de tête. Élisabeth ne la quitta pas un seul instant, et ces dames s’en éloignèrent peu, car, les messieurs étant sortis, elles n’avaient rien de mieux à faire.

Vers les trois heures, Élisabeth pensa qu’il fallait se retirer, et le dit à regret ; Mlle Bingley lui offrit la voiture, mais Hélen témoigna tant de chagrin de voir partir