Page:Austen - Orgueil et préjugé, 1966.djvu/386

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extrême ; mais alors levant les yeux sur lui, elle vit son sourire et fut un peu soulagée. Quelques moments après il s’approcha de la table, près de laquelle elle était assise avec Kitty, et feignant d’admirer son ouvrage, il lui dit à demi-voix : « Allez à votre père, il vous attend dans son cabinet. » Elle se leva sur-le-champ.

Son père se promenait dans sa chambre d’un air grave et soucieux : « Lizzy, dit-il, que faites-vous, vous rêvez, je crois, d’accepter cet homme, ne l’avez-vous pas toujours détesté ? »

Combien ne désira-t-elle pas alors que ses anciennes opinions eussent été plus raisonnables, ses expressions plus modérées ! Cette prudente conduite lui aurait épargné des explications assez embarrassantes, mais qui maintenant étaient nécessaires ; et elle assura son père, non sans confusion, de son attachement pour M. Darcy.

« Ou, pour mieux dire, vous êtes décidée à l’épouser ? Il est riche sans doute, et vous pourrez avoir des parures plus brillantes, de plus beaux équipages qu’Hélen ; mais cela fera-t-il votre bonheur ?

— La certitude de mon indifférence, dit Élisabeth, est-elle votre seule objection ?

— Oui, nous le connaissons tous pour être un homme fier et désagréable, mais cela ne serait rien si vous l’aimiez réellement !

— Oh oui, je l’aime, répondit-elle les yeux remplis de larmes ; je l’aime et bien sincèrement ! Il n’a point, je vous assure, de fierté déplacée ; vous ne le connaissez pas ; aussi, je vous en conjure, ne m’affligez pas en me parlant ainsi de lui.

— Lizzy, lui dit son père, je lui ai donné mon consentement : il est un de ces hommes, il est vrai, auxquels il est difficile de refuser ce qu’ils condescendent à vous demander ; maintenant, je vous le donne, si vraiment vous êtes décidée à l’épouser ; mais laissez-moi vous conseiller d’y réfléchir encore ; je connais votre caractère, ma Lizzy, je sais que vous ne pourrez être heureuse, si vous n’avez pour votre mari une estime réelle, si vous ne le regardez comme