Page:Austen - Orgueil et préjugé, 1966.djvu/64

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vices et les folies des autres, et encore moins les torts qu’on a envers moi ; ma sensibilité n’a pas tout l’épanchement qu’on pourrait désirer. On dira peut-être que je ne sais point pardonner, car mon estime une fois perdue est perdue pour toujours.

Voilà réellement un défaut ! s’écria Élisabeth, un vif ressentiment fait tache dans le caractère ; mais cette faiblesse n’est pas de celles dont on puisse rire : vous n’avez rien à craindre de moi.

— Je pense qu’il y a naturellement dans tous les hommes une pente vicieuse, une sorte de perversité innée, que l’éducation ne corrige jamais entièrement.

— C’est donc cette pente qui vous porte à voir le mal chez tout le monde.

— Comme elle paraît vous porter, vous, à ne vouloir comprendre personne.

— Oh ! faisons, je vous prie de la musique », dit Mlle Bingley, fatiguée d’une conversation où elle ne prenait point de part. « Louisa, ne vous fâcherez-vous pas si j’éveille M. Hurst ? » Sa sœur y consentit ; elle ouvrit le piano, et Darcy, toute réflexion faite, n’en fut pas fâché ; il commençait à s’apercevoir qu’il y avait du danger à porter trop d’attention à Élisabeth.