Page:Austen - Orgueil et préjugé, 1966.djvu/66

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à son avis, était à Netherfield depuis assez longtemps : elle l’occupait plus qu’il ne l’eût voulu, et Mlle Bingley, impolie envers elle, n’en était que plus fâcheuse pour lui. Il prit la sage résolution de veiller sur lui-même, de ne laisser paraître aucune marque d’admiration, rien qui pût lui donner l’orgueilleuse pensée de jamais influer sur son bonheur. Son parti ainsi arrêté, il dit à peine deux mots durant tout le jour ; et, quoiqu’il se trouvât seul avec elle plus d’une demi-heure, il prit un livre, et ne voulut pas même la regarder.

Le dimanche matin, après l’office, le départ tant désiré d’une partie de la société eut lieu : les attentions de Mlle Bingley pour Élisabeth augmentèrent visiblement, ainsi que son amitié pour Hélen. En la quittant elle l’embrassa, l’assurant qu’elle aurait toujours le plus grand plaisir à la voir à Netherfield, ou à Longbourn ; elle daigna même donner la main à Élisabeth, qui les quitta tous fort gaiement. Leur mère ne les reçut pas d’un air très satisfait : elle était étonnée de les voir fâchées qu’elles eussent donné autant d’embarras. Elle était sûre qu’Hélen avait encore gagné quelque rhume… Mais M. Bennet, quoique très laconique dans ses félicitations, les revoyait avec joie : il avait senti combien elles étaient nécessaires au cercle de famille. La veillée avait perdu tout son charme par l’absence d’Hélen et d’Élisabeth. Elles trouvèrent Mary enfoncée, comme à l’ordinaire, dans l’étude du contrepoint et de l’histoire naturelle. Elles eurent de nouveaux extraits à admirer et de doctes observations sur les mœurs des nations à écouter… Catherine et Lydia avaient d’autres nouvelles à leur communiquer ; il s’était passé depuis le mardi bien des choses au régiment : on avait eu chez l’oncle plusieurs officiers à dîner ; un caporal avait été passé aux verges, et on parlait sérieusement du mariage du colonel Forster.