Page:Austen - Orgueil et préjugé, 1966.djvu/84

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— Quant à moi, répondit Élisabeth, je le connais peu, mais assez néanmoins pour m’apercevoir qu’il n’a pas un caractère aimable. »

Wickham, par un mouvement de tête, parut approuver ce jugement et dit, quelques instants après :

« Je voudrais bien savoir s’il doit rester longtemps dans ce pays-ci.

— Je ne puis vous le dire, mais, lors de ma visite à Netherfield, il ne parlait point encore de le quitter : j’espère que son séjour dans Herfordshire ne changera rien à vos projets ?

— Oh ! non, ce n’est pas à moi de fuir M. Darcy. S’il craint de me rencontrer, qu’il s’éloigne d’ici. Nous ne sommes pas bien ensemble, et je ne puis le voir sans être vivement affecté. Mais je ne crains point de dire les raisons qui me font l’éviter : un sentiment profond du mal qu’il m’a fait, et les regrets les plus pénibles en pensant à ce qu’il devait être pour moi… Son père, feu M. Darcy, était un homme bien respectable, et le meilleur ami que j’aie jamais eu ; je ne saurais me trouver avec le fils sans que mon âme n’éprouve de bien douloureux sentiments ; il s’est conduit indignement à mon égard : mais je crois, en vérité, que je pourrais tout lui pardonner, s’il n’avait trompé l’attente, et avili la mémoire de son père. »

Élisabeth, trouvant ce sujet de plus en plus intéressant, à chaque mot redoublait d’attention, mais la matière lui parut trop délicate pour qu’elle pût se permettre aucune question.

M. Wickham alors passa à des choses plus indifférentes ; parla de Meryton, du voisinage, des habitants, comme charmé de tout ce qu’il avait déjà vu ; fit l’éloge de la société, surtout, avec une galanterie naturelle, mais bien expressive.

« C’est l’espoir d’avoir toujours de la société, et une bonne société, ajouta-t-il, qui m’a décidé à entrer dans le régiment de… Je sais que ce corps est fort bien composé. Mon ami Denny m’a séduit en me vantant leur garnison actuelle, et les attentions sans nombre qu’on a pour eux