Page:Autran - Œuvres complètes, t2, 1875.djvu/299

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
288
LA VIE RURALE.

« Quoi, monsieur ! vous, enfin ! quel fortuné hasard !…
Dieu sait qu’à ce bonheur je songeais peu, si tard !…
Monsieur dînera-t-il ?… — Non, merci, mon brave homme,
Je dînerai demain ; vas et reprends ton somme. »
Là, dans cette maison, lieu cher et vénéré,
De tous mes souvenirs je marchais entouré.
Les portraits sur les murs semblaient me reconnaître,
Toujours comme le fils et non comme le maître.
Les fauteuils dans les coins me parlaient des absents.
J’allais, je regardais au hasard, en tous sens ;
Je montais l’escalier et m’arrêtais encore,
Et je parlais tout haut dans ce vide sonore !

Cette première nuit qu’on passe dans les champs
A pour moi des attraits singuliers et touchants.
Il semble qu’une paix auguste et solennelle
Vous reçoive et vous couvre au chevet sous son aile.
La veille, en fugitif, on a quitté Paris :
On arrive, les sens encore tout meurtris
Du tonnerre orageux qui sans fin s’y prolonge ;
Dans un bain de silence aussitôt on se plonge ;
On savoure un bonheur mêlé d’étonnement
À se sentir perdu dans cet isolement
Si calme et si profond que l’on croit, solitaire,