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LETTRE D’INFORMATION.

La machine cruelle, infatigable, avare,
Les attire, les plonge en ses mille ressorts ;
Elle flétrit leur âme, elle brise leur corps,
Prend tout en eux, vertus, santé, vigueur de l’âge,
Et ne leur laisse rien, pas même le courage
De repartir un jour, dans un dernier haillon,
Pour la terre où fleurit le paternel sillon !
Enfin, comme trente ans, autour de la grand’ville,
Sonnaient pour lui, jeune homme au front déjà sénile,
Paul Robin (c’est le nom de mon humble héros),
L’œil terne, la main vide, amaigri jusqu’aux os,
Se retrouva du moins cette force dernière
D’abandonner l’arène ingrate et meurtrière.
Son cœur se retourna vers le ciel du Berry ;
Il voulut vous revoir, champs qui l’aviez nourri !
Il vous revit, coteaux, vallons, verte étendue !…
Ses parents étaient morts, sa ferme était vendue ;
Ses amis d’autrefois, cherchés de seuil en seuil,
Pour un pâle inconnu n’avaient qu’un froid accueil,
Que faire ? Esprit flottant, âme encore indécise,
Il marchait au hasard, quand, témoin de la crise,
J’osai vous adresser ce naufragé du sort,
Comme un souffle indulgent pousse une voile au port !