Page:Autran - Œuvres complètes, t2, 1875.djvu/341

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
330
LA VIE RURALE.

Rien de trop : point de faste et point d’hôte moqueur.
Plus le meuble est fané, plus il vaut pour le cœur !

» Qu’il en est autrement des foyers de la ville !
Ici, chaque maison n’est qu’une auberge vile,
Qu’un taudis encombré d’hôtes toujours changeants.
On y vit au milieu d’un tourbillon de gens.
Ces murs ne disent rien au cœur, à la mémoire.
D’équivoques odeurs sortent de chaque armoire. —
Qui, dans ce lit banal, avant moi s’est couché ?
Ce velours, ce satin, par qui fut-il taché ? —
Puis, après deux saisons, s’il faut que l’on en sorte,
Ce lieu devenu saint, où votre mère est morte,
Où vous avez reçu l’enfant qui vous est né,
Par quels hôtes impurs sera-t-il profané ?…

» Fuyons !… je le voudrais ; à chaque vent qui passe,
Au nuage, à l’oiseau, je demande l’espace ;
Un envieux destin, me fermant l’horizon,
Resserre chaque jour les murs de ma prison !
Croirais-tu que jamais, sinon par les poëtes,
Je n’ai connu les bois et leurs calmes retraites ?
Croirais-tu, déjà vieux, que j’ignore comment
Le pain qui me nourrit pousse avec le froment ?