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LE PAYSAGE.

Te vend pour un centime un dieu qu’il a volé.
Ailleurs, un marchand juif t’offre, non sans mystère,
Des antiques — venus peut-être d’Angleterre ;
Reliques à tromper l’œil d’un Champollion,
Que fabrique, a-t-on dit, la perfide Albion !
Mais, toi qui ne mords point au faux hiéroglyphe,
Tu rends la marchandise et chasses l’escogriffe.
Thèbes, d’ailleurs, t’appelle à ses ravissements ;
Et tu n’as pas, je crois, à perdre tes moments.
Tu visitas hier les nécropoles sombres,
Tu gravis aujourd’hui des temples en décombres ;
Tu ne peux te lasser de suspendre tes yeux
À ces entassements de blocs prodigieux,
Au temps des Osiris élevés sur le sable,
À ces vastes monceaux de pierre impérissable,
Qu’érigeait à ses dieux, dont il changeait les noms,
Un peuple adorateur des chats et des oignons !

Ô deuil, ô lourd sommeil de ces campagnes mortes,
Où l’on entre sans clefs dans Thèbes aux cent portes,
Où la ruine étale en tout lieu ses lambeaux,
Où le vide est partout, jusque dans les tombeaux !
Où l’on n’entend le soir, sur le Nil semé d’îles,
Que la plainte du fleuve — et de ses crocodiles !