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LA VIE RURALE.

Sous ta feuille où l’aurore avait semé ses perles,
J’épiai tout un jour les bouvreuils et les merles !
Que de fois j’y revins plus tard ! — Jeune rêveur,
Bachelier qui des arts a goûté la saveur,
Je tenais à la main, soit roman, soit poëme,
Ce livre où l’écrivain nous raconte à nous-même,
Et nous conduit, bercés de vagues passions,
Dans le pays d’azur des belles fictions.
Oh ! les riants matins, oh ! les tièdes soirées ;
Oh ! les heures d’extase et d’amour enivrées ;
Oh ! les poëtes chers, dont l’immortelle voix
Se mêlait aux chansons des ruisseaux et des bois !
Couché sous tes rameaux, et comme eux plein de sève,
Souvent j’interrompais ma lecture ou mon rêve :
Téméraire écolier, j’essayais à mon tour
De moduler un chant de tristesse ou d’amour.
Et, de son frais murmure à travers le feuillage,
Le vent encourageait ces rhythmes du bel âge ;
Le vent leur promettait la gloire et l’avenir.
C’était promettre, hélas ! plus qu’il ne peut tenir !
Me voici, maintenant, au retour de la fête ;
Et celui qui revient, ce n’est plus le poëte,
C’est le prudent fermier, c’est l’agreste colon
Qui visite, en passant, les fruits de son vallon,