censure impériale ainsi organisée fut relatif au livre de Mme de Staël sur l’Allemagne.
Mme de Staël s’était installée près de Blois pour surveiller l’impression de la publication de l’Allemagne. Les censeurs Pellenc et Delasalle signalaient l’esprit frondeur de l’auteur qui semblait inspiré par Schlegel, le détracteur de la littérature française ; ils blâmaient sa tendance à représenter la France comme gémissant sous un régime qui dérobait à la Nation la connaissance de l’esprit du siècle. Ils ajoutèrent que l’analyse des œuvres de Schiller, Lessing, Goethe et d’autres écrivains allemands était faite avec un enthousiasme qui indiquait plus d’imagination que de goût et de jugement. Mais ils furent d’avis que la publication de l’ouvrage pouvait être autorisée, si l’auteur se soumettait aux retranchements et aux modifications qui lui seraient indiqués.
L’imprimeur Mame avait commencé l’impression de l’Allemagne, sur la foi des premiers renseignements qui lui avaient été donnés par la direction de la librairie et de l’imprimerie, lorsque tout à coup, le 24 septembre 1810, le duc de Rovigo fit mettre les scellés sur toutes les feuilles de l’ouvrage. En même temps, il fit signifier à Mme de Staël l’ordre de quitter la France.
Celle-ci demanda un répit de quelques jours, et, comme elle attribuait au silence gardé, dans son livre, sur l’Empereur, le redoublement de sévérité dont elle était l’objet, elle fit présenter des explications à ce sujet par le professeur Schlegel. Elle s’attira la réponse fameuse du duc de Rovigo, qu’elle fit insérer plus tard dans la préface de l’Allemagne. En voici la première partie, que tout le monde doit connaître, pour apprécier comme il convient, les procèdes et le style de la police impériale : « J’ai reçu, Madame, la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire. Monsieur votre fils a dû vous apprendre que je ne voyais pas d’inconvénient à ce que vous retardassiez votre voyage de sept à huit jours ; je désire qu’ils suffisent aux arrangements qui vous restent à prendre, parce que je ne puis vous en accorder davantage. Il ne faut point rechercher ta cause de L’ordre que je vous ai signifié, dans le silence que vous avez gardé à l’égard de l’Empereur dans votre dernier ouvrage ; ce serait une erreur : il ne pouvait pas y trouver de place qui lût digne de lui ; mais votre exil est une conséquence naturelle de la marche que vous suivez constamment depuis plusieurs années, il m’a paru que l’air de ce pays-ci ne vous convenait pas, et nous n’en sommes pas encore