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nos courtizans et courtizanes telles que nous les lisons en Saint-Pol aux Romains. »

Les dessins et peintures satiriques affichés sur les murs de Paris, pendant les désordres de la Ligue, n’étaient pas moins indécents. En août 1590, dit en effet L’Estoile, « on trouva au logis de Marc Antoine, au faubourg Saint-Germain, une plaisante drollerie, mais vilaine, peinte contre une muraille : à sçavoir une femme nue monstrant sa nature, et un grand mulet auprès. Et il y avait au-dessous de la femme escrit : Madame de Montpensier, et au-dessous de l’âne : Monsieur le Légat. »

On assistait parfois à des actes de répression vraiment cruels. Ainsi le 22 novembre 1586, comme le rapporte L’Estoile, François Le Breton, avocat, fut pendu dans la cour du Palais, « comme séditieux et criminel de lèze-majesté, à raison d’un livre plein de propos injurieux contre le roy, le chancelier et le parlement. Gilles Ducarroy, imprimeur, et son correcteur, furent fustigés et bannis ». Mais, dès le lendemain, les pamphlets satiriques redoublaient d’audace, de violence et de fanatisme.

On a signalé bien souvent le curieux revirement qui se produisit dans les polémiques entre protestants et catholiques, le jour où Henri III, chassé de Paris et sentant son royaume lui échapper, chercha son salut dans l’application des doctrines de Machiavel, fit assassiner le duc et le cardinal de Guise et s’allia avec le roi de Navarre, le futur Henri IV. Dès lors, les écrivains protestants renoncent à leurs théories d’insurrection et d’émancipation, pour devenir les plus fermes appuis de la couronne de France. En même temps, par une volte-face en sens contraire, les catholiques ligueurs déclament en faveur de la souveraineté du peuple et vont jusqu’à justifier et exalter le régicide. L’assassinai de Henri III par Jacques Clément fut le résultat de ces coupables déclamations.

C’est un triste spectacle que celui de tant de principes généraux, de théories de droit public, répudiés ou prônés selon les chances des factions qui se disputent le pouvoir. Le sceptique Montaigne lui-même, témoin de ces variations et de ces apostasies, en était indigné : « Voyez, s’écriait-il, l’horrible impudence de quoy nous pelotons les raisons divines, et combien irréligieusement nous les