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en place ignorent-ils qu’en s’irritant contre qui les attaque, ils découvrent leur petitesse d’esprit et leur lâcheté ?

C’est en 1790 que Caritat de Condorcet aborda le journalisme par la fondation d’une revue politique intitulée : la Bibliothèque de l’homme public. « La fuite du roi Louis XVI (20 juin 1791) ayant déterminé dans la presse une véritable explosion, les moins violents des journaux patriotes demandaient la déchéance : les plus ardents voulaient la République. On pensa à fonder un journal tout spécial pour seconder et diriger le mouvement. Là fut l’origine du Républicain ou le Défenseur du gouvernement représentatif, qui prit naissance chez Pétion, au dire de Mme Roland en ses Mémoires, et qui eut pour pères : Condorcet, Achille Duchâtelet et Thomas Paine[1]. »

Sans doute les livres de ces grands écrivains ne purent pénétrer directement jusqu’aux couches inférieures du Tiers État, on l’a fait observer fort justement. Mais ils y arrivèrent peu à peu, indirectement. Ils descendirent d’abord jusqu’aux hommes de condition moyenne, qui vivent en rapports journaliers avec le peuple, qui ont assez de loisirs pour se livrer à des lectures sérieuses, assez d’instruction pour les comprendre et assez de bon sens pour les traduire, en langage plus simple, aux populations qui les entourent. Une fois gagnés à la Révolution, ces citoyens modestes se chargèrent de répandre les enseignements contenus dans les livres et les brochures des philosophes du siècle jusque dans les derniers rangs de la petite bourgeoisie et du peuple[2].

C’est ainsi que, malgré l’absence d’une presse indépendante, malgré la nécessité des autorisations et des privilèges pour imprimer un volume, il se répandit partout, d’un bout de la France à l’autre, de livres, des brochures, des nouvelles à la main, des pamphlets, des plaquettes, que recherchent aujourd’hui les bibliophiles, où les souverains n’étaient pas plus ménagés que les nobles et les prêtres. Londres, La Haye, Amsterdam, Genève et les presses clandestines de certaines villes de France furent les foyers, où s’alluma le vaste incendie qui devait consumer l’ancien régime.

  1. Condorcet, sa vie son œuvre, par le Dr Robinet. Paris, maison Quantin.
  2. La chute de l’ancien régime, par Aimé Chérest, t. II. p. 287. Paris, Hachette, 1884.