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Page:Avenel - Histoire de la presse française, 1900.djvu/49

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LA LIBERTÉ DE LA PRESSE

purifier de la vérité. Certes, ils commettent un grand attentat, ceux qui dans la situation où se trouve la France, arrêtent l’expansion lumières. Ils éloignent, ils reculent, ils font avorter, autant qu’il est en eux, le bien public, l’esprit public, la concorde publique…… » Mirabeau terminait par une éloquente apostrophe aux futurs députés des Etats Généraux : « Que la première de vos lois, disait-il, consacre à jamais la liberté de la presse, la liberté la plus inviolable, la plus illimitée, la liberté sans laquelle les autres ne seront jamais acquises, parce que c’est par elle seule que les peuples et les rois peuvent connaître leur droit de l’obtenir, leur intérêt de l’accorder : qu’enfin votre exemple imprime le sceau du mépris public sur le front de l’ignorant qui craindra les abus de cette liberté. »

Le Parlement eut un instant des velléités d’intervenir, pour opposer une digue au débordement des brochures populaires. Il ne tarda pas à s’en repentir et à se réfugier, à son tour, dans une prudente réserve. Le docteur Guillotin, député aux Etats Généraux, le même qui demanda dans la séance du 1er décembre 1780 que la décapitation lut le seul supplice adopté, et qu’on cherchât une machine qui put être substituée à la main du bourreau[1], avait publié un écrit intitulé : Pétition des citoyens domiciliés à Paris. Il fut mandé à la grand’Chambre. Il eut peine à se frayer un passage travers une multitude immense, curieuse d’apprendre les suites de cette affaire. Le docteur Guillotin ne chercha pas à se disculper et prouva par son attitude qu’il ne redoutait pas l’issue des poursuites. Le Parlement n’osa ni le condamner ni l’absoudre ; et il se fit dès lors une loi absolue du silence, certain qu’il était d’être abandonné et même désavoué par le roi. Le conseiller Sallier nous a laissé son impression attristée à ce sujet ; suivant lui, la prudence conseillait au Parlement « de ne pas compromettre vainement les restes d’une autorité déjà trop peu respectée, et surtout d’éviter que ses arrêtés ne devinssent la cause ou le prétexte de désordres plus grands. » Il osait a peine élever la voix pour censurer la licence inouïe des libelles. « Il est des temps, disait l’avocat général Séguier, dans l’un éloquents réquisi-

  1. C’est à tort qu’on a attribué au docteur Guillotin l’invention de l’instrument qui porte son nom et qui fut construit par un mécanicien allemand nommé Schmitt, sous la direction du docteur Louis. Aussi la guillotine fut-elle d’abord appelée Louisette. (Ludovic Lalanne, Dictionnaire historique de la France. Hachette, Paris, 1877.)