Page:Aventure n° 3, jan 1922.djvu/39

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frayeur d’intempérance, cet homme qui titube ; frayeur d’orgueil, cet autre que je suis, apeuré malgré soi, devant le mystère ordinairement nié des choses. J’ai oublié le bonheur tranquille des longues rues droites. Je suis à l’orée d’un de ces bois explorés déjà, mais où subitement l’on tremble. Jusqu’au petit jour on reste sans avancer ; parfois l’on s’endort de fatigue ; au matin on se réveille avec la courbature des mauvais rêves et du froid. Je n’irai pas plus loin. Mon sommeil sera inquiet contre l’un de vos arbres, forêt de fonte étroite et massive, jusqu’à l’heure où le choc douloureux des ferrailles dissipera mon angoisse. Alors les banalités du jour me tranquilliseront…

Six heures du matin. Au guichet, d’une voix peu assurée, les yeux clignotants et ne se reconnaissant pas : « S’il vous plaît, un ticket et un journal. »

René CREVEL.