Page:Béal - Trop petite, 1920.djvu/78

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
76
TROP PETITE

sonnes y montèrent… et puis, eux trois… les deux hommes qui gouvernaient…

— À tout à l’heure, dit Shara en nous envoyant un baiser…

Nous le lui rendîmes… Et rien ne se déchira en moi pour me crier que c’était le dernier !…

Je montai en voiture… Les chemins étaient en fête… Il y avait des éclats de rire partout, dans les champs, derrière les haies… et tout près… le gouffre s’ouvrait sans bruit… se refermait…

Sur les treize qui étaient partis trois revinrent… ce n’étaient pas eux… On disputa aux flots leurs victimes… ils rendirent les cadavres.



V

Tous les trois.


C’est par le chemin où, le jour des noces bretonnes, Paul et Shara montaient l’un près de l’autre… par ce chemin où je marchais, ma mère s’appuyant sur moi, que les trois cercueils passèrent.

Tous les trois ! je les suivais et je ne pleurais pas… Elle, qui les avait précédés dans la vie, était la première… puis derrière, côte à côte, les deux autres… C’était long ce chemin… Il passait tout près de l’étang, montait rapide à travers le bois, traversait la petite route bordée de haies très hautes pour regagner la grande qui menait au village…Et je m’étonnais d’y arriver… Il me semblait que je les suivais tous les trois depuis très longtemps,