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était donc en mesure de se fournir par lui-même de tout ce qui lui était nécessaire. Toutes ces constructions se reconnaissent aisément sur les plans de Dom Milley, que nous reproduisons d’après les originaux conservés à la Bibliothèque de Troyes.

Dans l’église se trouvait, derrière le maître autel, le tombeau de saint Bernard, érigé en 1178, vingt-cinq ans après la mort du saint, et dans l’une des chapelles absidales reposait la bienheureuse Aleth de Montbard, mère de saint Bernard, morte en 1115 et transportée à Clairvaux en 1250. Le chœur des profès, disposé comme à Fontenay, comprenait, aux débuts de l’Ordre, cent trente-huit stalles à l’intérieur de la clôture du sanctuaire et des trois premières travées de la nef. En dehors du jubé, dans le reste de la nef, se trouvaient les sièges réservés aux convers qui, affectés principalement aux travaux des champs et des ateliers, formaient un couvent distinct, tout en étant soumis aux exigences de la règle.

Les autres bâtiments réguliers, comme l’indiquent les légendes du plan, rappellent de très près ceux de Cîteaux. L’édicule du lavabo du grand cloître offrait cette particularité d’être accompagné, à droite et à gauche, d’une sorte de portique ouvert formant un dégagement commode. Le cellier, qui existe encore, était situé perpendiculairement à l’église, à l’ouest du cloître, suivant la disposition à peu près invariable du plan cistercien. Divisé en trois nefs par deux rangs de robustes piliers, il a plus de soixante-dix mètres de long et servait aussi de grenier à blé.

De nombreux religieux, en dehors des travaux agricoles, s’adonnaient aux travaux intellectuels, aux études théologiques et à la copie des manuscrits. Aussi retrouvons-nous, de même qu’à Cîteaux, à l’est des bâtiments réguliers, le long du petit cloître, renfermant une fontaine lavabo, les cellules des copistes, cellulæ scriptoriæ, surmontées d’une grande salle servant de bibliothèque, d’école, ou plutôt de lieu de réunion pour les conférences théologiques : thesium propugnandarum aula.

Au xviiie siècle, le superbe ensemble qui avait soulevé l’admiration de Meglinger et des deux auteurs du Voyage littéraire subit de lamentables transformations dans le goût de l’époque. Après la vente nationale de 1791, les bâtiments disparurent successivement dans le naufrage révolutionnaire, et en 1812 l’immense église n’était plus qu’une ruine. Aujourd’hui, il n’en reste pas de traces. L’abbaye de Clairvaux est devenue une maison centrale de détention, et seul le grand cellier, utilisé comme atelier, atteste l’ancienne splendeur de la troisième fille de Cîteaux, qui fut mère de tout un peuple de monastères.