Page:Béland-Mathieu - Mes quatres années de captivité en Belgique, La Canadienne, Janvier 1920.djvu/10

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peu de satisfaction. Nous passâmes outre et nous nous rendîmes à la maison pour constater qu’une charrette à bras était placée à la porte et que deux soldats allemands étaient occupés à la remplir de bouteilles de vin. Ces soldats, à notre vue, furent visiblement ennuyés, mais ils n’en continuèrent pas moins leur besogne et, quand la charrette fut bien remplie, ils sortirent de la cour, celui qui montait la garde partant avec eux. C’était la deuxième fois qu’ils venaient à cet endroit. Les caves nous révélèrent qu’on s’était livré là à des actes de vandalisme ; la porte de la cave à vin avait été défoncée, les innombrables morceaux de verre qui couvraient le parquet indiquaient assez qu’on avait brisé les bouteilles après en avoir bu le contenu.


La loi du plus fort



UN soir que l’officier avait demandé la permission de venir causer avec nous, une discussion très intéressante s’engagea entre lui et ma mère. C’était au sujet de la Belgique, des intentions de l’Allemagne en rapport avec la Belgique, de la réhabilitation du pays et de l’indemnité éventuelle qu’il faudrait payer pour réparer les dommages énormes causés par l’invasion allemande.

Ma mère demanda à l’officier : « Et cette petite Belgique, qu’est-ce que vous en ferez maintenant. »

L’officier lui répondit : « La Belgique restera allemande. »

« Mais en vertu de quel droit, » demanda ma mère, qui, quelquefois parlait avec tant d’assurance que nous craignions pour elle des conséquences fâcheuses. L’officier lui dit :

« En vertu du droit de la Force, car notre Kaiser a bien offert au roi des Belges de lui payer tous les dommages qu’il causerait, si la permission nous était donnée de traverser la Belgique pour aller combattre la France. Votre roi, » ajoutait-il, « a refusé de nous laisser passer ; lui, son peuple et son territoire doivent subir le sort de la guerre, et le sort de la guerre se résume au droit du plus fort. »