Page:Béland-Mathieu - Mes quatres années de captivité en Belgique, La Canadienne, Janvier 1920.djvu/7

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afin de savoir si vraiment vous avez dit la vérité. » Les trois soldats tournèrent les talons, sans même insister sur la dernière bouteille de vin qu’ils avaient réclamée, et enfilèrent la porte en disant : « Bonsoir, madame. »

Quelle détente et quel soulagement ! Les trois Boches s’éloignèrent d’un pas alerte vers la grande grille, regardant de droite et de gauche, comme des malfaiteurs qui fuiraient un gendarme, et aussitôt arrivés à la chaussée, ils tournèrent à gauche et disparurent derrière les grands arbres. L’officier, qui rentra un peu plus tard, fut mis au courant de ce qui s’était passé et nous avons pu remarquer que le rouge lui montait au visage et qu’il était très ennuyé de cet incident.


On nous prend pour des espionnes



IL y avait, à cette époque, à Cappellen certaines personnes qui faisaient clandestinement le trafic des lettres entre la Belgique et la Hollande. La frontière était bien gardée, mais on affirme que les contrebandiers patriotes réussissaient quand même à passer plus de 300 lettres par jour. On comprend donc que plusieurs citoyens de Cappellen étaient soupçonnés et surveillés.

Un jour, vers dix heures de l’avant-midi, ma plus jeune sœur et moi, nous étions allées porter une bouteille de vin, par ordre de ma mère, à une famille pauvre dont la femme était malade au lit et qui habitait une ruelle située à environ un demi mille de notre maison.

Nous nous rendons, nous entrons, nous causons quelques minutes avec la femme malade, nous lui remettons la bouteille de vin et ensuite, comme nous sortions, accompagnées toutefois par un gros chien St-Bernard qui nous appartenait, nous nous trouvons face à face avec deux soldats allemands. Ces soldats nous interrogent en français et nous demandent ce que nous étions venues faire là. Nous expliquons que nous sommes venues porter des soins à une femme malade, mais les soldats évidemment n’ajoutèrent pas foi à nos paroles et nous ordonnèrent de rentrer sur la grande chaussée avec eux et de les accompagner à Anvers.

Pour aller à Anvers, il fallait passer devant notre résidence. Le gros St-Bernard, qui, apparemment,