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EN PRISON À BERLIN

Ma table avait été placée au centre de la cellule, et on l’avait recouverte de petites serviettes en papier. On était parvenu à se procurer un peu de viande en conserve, entreprise qui, à cette époque, tenait du miracle. Va sans dire que le déjeuner fut très gai : il y eut des santés de proposées, des discours très à la hauteur des circonstances, prononcés en réponse aux dites santés, des chansons patriotiques, etc., etc.

L’après-midi de ce jour inoubliable j’avais obtenu la permission de sortir en ville pour aller magasiner. Pour la première fois, après douze mois d’incarcération, il m’était donné de mettre le pied dans la rue. C’était vers la fin du mois de mai ; la végétation était luxuriante et les feuillages verdoyants ; les plates-bandes regorgeaient de fleurs odoriférantes dans le square voisin de la prison. Jamais la nature ne m’avait paru si merveilleusement belle ! J’étais tenté de sourire même aux Allemands, — et aux Allemandes, — qui se pressaient de tous côtés, dans la rue.

Ma promenade avait duré une couple d’heures. En rentrant à la prison, j’appris que mon départ, fixé au lendemain, avait été retardé parce que, disait-on, un certain document n’avait pas encore reçu la signature d’un personnage quelconque faisant partie du haut commandement. Ce ne pouvait être qu’une affaire de formalité, vu que tout était décidé. Force me fut donc d’attendre à la semaine suivante, au mercredi, jour que l’on avait définitivement fixé. Le mardi, j’étais absolument prêt, et mes malles étaient