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EN PRISON À BERLIN

Un éminent écrivain français a dit, au sujet de ce système d’éducation tudesque, une phrase lapidaire : « On nous a fait entendre que ce sont les privat-docent qui ont gagné la bataille de Sédan… »

Les vétérans de la guerre de 1870 deviennent alors autant d’éducateurs de la génération qui pousse. On conduit les enfants aux musées — militaires — et on leur fait voir les drapeaux et les canons pris à l’ennemi. Le vieil officier, indiquant ces trophées à ses deux petits-fils, leur demande — « Quel est notre ennemi ?… » — « La France ! répondent les petiots. » — « Nous les avons vaincus, n’est-ce pas ? » « Oui ! » — « Et nous vaincrons ainsi tous nos ennemis présents et à venir !… » — « Oui ! » — « Allez ! Vous êtes de bons enfants du Vaterland », disait, avec un geste bénisseur, le vieux vétéran botté.

Tous les livres de lecture dans les écoles sont exclusivement composés de narrations guerrières, de charges de cuirassiers, de citadelles et de redoutes prises d’assaut, de rencontres épiques et flamboyantes à l’arme blanche… Et en conclusion du tout, il est dit que la gloire des armées allemandes a ébloui l’univers. On malaxe ces jeunes intelligences : on les militarise à l’extrême limite de leurs aptitudes.

Et si quelqu’un élève trop la voix contre le sanctus sanctorum, la haute caste privilégiée, née de Bismark, de Von Moltke, on lui impose silence. Germania n’est-elle pas, comme Pigmalion, entourée