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MILLE ET UN JOURS

aux partants un dernier adieu ; rangent les captifs par groupes de quarante ou de cinquante, les hissent de force dans des fourgons ; la locomotive est sous pressions ; dès que le train est fourni un officier supérieur donne le signal du départ. Voilà un nouveau millier de Belges réduits en esclavage et, sans jugement préalable, condamnés à la peine la plus forte du Code pénal après la peine de mort, à la déportation. Ils ne savent ni où ils vont, ni pour combien de temps. Tout ce qu’ils savent, c’est que leur travail ne profitera qu’à l’ennemi. À plusieurs, par des appâts ou sous la menace, on a extorqué un engagement que l’on ose appeler « volontaire ».

Au reste, on enrôle des chômeurs, certes, mais on recrute aussi en grand nombre — dans la proportion d’un quart, pour l’arrondissement de Mons, — des hommes qui n’ont jamais chômé et appartenant aux professions les plus diverses : bouchers, boulangers, patrons tailleurs, ouvriers brasseurs, électriciens, cultivateurs ; on prend même de tout jeunes élèves de collèges, d’universités ou d’autres écoles supérieures.

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Nous, pasteurs de ces ouailles que la force brutale nous arrache, angoissés à l’idée de l’isolement moral et religieux où elles vont languir, témoins impuissants des douleurs et de l’épouvante de tant de foyers brisés ou menacés, nous nous tournons vers les âmes croyantes ou non croyantes, qui, dans les pays alliés, dans les pays neutres, même dans les pays ennemis ont le respect de la dignité humaine.

Lorsque le cardinal Lavigerie entreprit sa campagne anti-esclavagiste, le Pape Léon xiii bénissant sa mission lui dit : « L’opinion est, plus que