Page:Béranger, oeuvres complètes - tome 1.pdf/27

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porte à sa mémoire la génération nouvelle qui ne l’a pas connu, prouve assez combien l’émotion poétique a de pouvoir sur le peuple. Que nos auteurs travaillent donc sérieusement pour cette foule si bien préparée à recevoir l’instruction dont elle a besoin. En sympathisant avec elle, ils achèveront de la rendre morale, et plus ils ajouteront à son intelligence, plus ils étendront le domaine du génie et de la gloire.

Les jeunes gens, je l’espère, me pardonneront des réflexions que je ne hasarde ici que pour eux. Il en est peu qui ne sachent l’intérêt que tous m’inspirent. Combien de fois me suis-je entendu reprocher des applaudissements donnés à leurs plus audacieuses innovations ? Pouvais-je ne pas applaudir même en blâmant un peu ? Dans mon grenier, à leur âge, sous le règne de l’abbé Delille, j’avais moi-même projeté l’escalade de bien des barrières. Je ne sais quelle voix me criait : Non, les Latins et les Grecs mêmes ne doivent pas être des modèles ; ce sont des flambeaux : sachez vous en servir. Déjà la partie littéraire et poétique des admirables ouvrages de M. de Chateaubriand m’avait arraché aux lisières des Le Batteux et des La Harpe, service que je n’ai jamais oublié.

Je l’avoue pourtant, je n’aurais pas voulu plus tard voir recourir à la langue morte de Ronsard, le plus classique de nos vieux auteurs ; je n’aurais