Page:Béranger, oeuvres complètes - tome 1.pdf/29

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éloigner. Trop souvent, au soir de la vie, nous nous laissons surprendre par le sommeil sur la chaise où il vient nous clouer. Mieux vaudrait aller l’attendre au lit, dont alors on a si grand besoin. Je me hâte de gagner le mien, quoiqu’il soit un peu dur.

Quoi ! vous ne ferez plus de chansons ? Je ne promets pas cela ; entendons-nous, de grâce. Je promets de n’en pas publier davantage. Aux joies du travail succèdent les dégoûts du besoin de vivre ; bon gré mal gré, il faut trafiquer de la Muse : le commerce m’ennuie ; je me retire. Mon ambition n’a jamais été à plus d’un morceau de pain pour mes vieux jours : elle est satisfaite, bien que je ne sois pas même électeur, et que je ne puisse espérer jamais l’honneur d’être éligible, en dépit de la révolution de Juillet, à qui je n’en veux pas pour cela. À ne faire des chansons que pour vous, dira-t-on, le dégoût vous prendra bien vite. Eh ! ne puis-je faire autre chose que des couplets pour ma fête ? Je n’ai pas renoncé à être utile. Dans la retraite où je vais me confiner, les souvenirs se presseront en foule. Ce sont les bonnes fortunes d’un vieillard. Notre époque, agitée par tant de passions extrêmes, ne transmettra que peu de jugements équitables sur les contemporains qui occupent ou ont occupé la scène, qui ont soufflé les acteurs ou encombré les coulisses. J’ai connu un grand nombre d’hommes qui ont marqué depuis vingt ans ; sur presque tous