Page:Béranger, oeuvres complètes - tome 1.pdf/52

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dissertation, je me préparais à en faire mon profit, ou plutôt celui du libraire, lorsqu’un autre de mes amis, car j’ai beaucoup d’amis (c’est ce qu’il est bon de consigner ici, attendu que les journaux pourront faire croire le contraire) ; lorsque, dis-je, un de mes amis, homme de plaisir et de bon sens, m’apporta d’un air empressé un chiffon de papier trouvé dans le fond d’un vieux secrétaire.

« C’est de l’écriture de Collé ! » me dit-il du plus loin qu’il m’aperçut. « J’ai confronté ce fragment avec le manuscrit des Mémoires du premier de nos chansonniers, et je vous en garantis l’authenticité. Vous verrez, en le lisant, pourquoi il n’a pas trouvé place dans ces Mémoires, qui ne contiennent pas toujours des choses aussi raisonnables. »

Je ne me le fis pas dire deux fois, et je lus avec la plus grande attention ce morceau, dont le fond des idées me séduisit tellement que, d’abord je ne m’aperçus pas que le style pouvait faire douter un peu que Collé en fût l’auteur.

Malgré toutes les observations de mon ami le savant, qui tenait à ce que j’adoptasse sa dissertation, je fis sur-le-champ le projet de me servir, pour ma préface, de ce legs que le hasard me procurait dans l’héritage d’un homme qui n’a laissé que des collatéraux.

Ceux qui trouveront ce petit dialogue indigne de Collé pourront s’en prendre à l’ami qui me l’a fourni, et qui m’a assuré devoir en déposer le manuscrit chez un notaire, pour le soumettre à la confrontation des incrédules. Ces précautions prises, je le transcris ici en toute sûreté de conscience.