Page:Béranger, oeuvres complètes - tome 3.pdf/161

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ne craignez rien. Mon triomphe ne m’a pas enivré. J’en ai été étourdi tout au plus cinq minutes.

Son malheur fut celui qui menace plus ou moins aujourd’hui beaucoup d’hommes de son âge, dans l’espèce de serre chaude où nous vivons. La raison d’Escousse avait acquis une trop prompte maturité. Une tête ainsi fait sur un corps d’enfant n’est propre qu’à flétrir la jeunesse, quand cette précocité n’est pas le rare effet d’une organisation particulière. Elle produit un besoin de perfection qui, ne sachant à quoi se prendre, désenchante la vie à son plus bel âge. Je n’attribue qu’à une sorte de découragement la funeste résolution de ce malheureux et intéressant jeune homme. Il y eut aussi une fatalité pour Lebras et lui de s’être rencontrés avec des dispositions semblables. Loin l’un de l’autre, peut-être tous deux se fussent-ils soumis à leur destinée, qu’ils s’encouragèrent à terminer violemment.

Une feuille publique a accusé Escousse d’incrédulité absolue. Pour repousser cette accusation, je me crois obligé de citer les derniers mots de la lettre qu’il m’écrivit quelques heures avant l’exécution de son déplorable dessein : Vous m’avez connu, Béranger ; Dieu me permettra-t-il de voir du coin de l’œil la place qu’il vous réserve là-haut ?

Outre les drames de Faruch et de Pierre III, Escousse a laissé des chansons d’un style un peu négligé sans doute, mais empruntes des nobles sentiments et des pensées généreuses qui inspirèrent quelques actions de sa trop courte carrière.

On m’a raconté que, sur le point d’être surpris avec une personne que sa présence pouvait compromettre, il se précipita d’un second étage sur une cour pavée. Son