Page:Béranger, oeuvres complètes - tome 3.pdf/216

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lot, à la taverne du Grand Amiral, sous l’escorte du plus mauvais sujet des trois royaumes ; lorsque, dans la Partie de chasse de Henri IV, on nous représente sur la scène le bon roi mettant le couvert avec la fille de Michau, et la poursuivant autour de la table pour lui dérober un baiser ; en conclurez-vous que par ces jeux scéniques on veut avilir les rois et diminuer le respect dû à la royauté ? — Non, messieurs, vous ne verrez encore là que l’effet d’un art permis :

Et toujours aux grands cœurs donnez quelques faiblesses.

« Or, si la tragédie et la comédie jouissent de ce privilège de n’être pas traitées avec la même rigueur que les livres de politique et de pure morale, parce qu’elles ne doivent pas être considérées sous le même point de vue, de quelle liberté plus grande encore ne doit pas jouir le plus léger de tous les poëmes, la chanson !

« Faisons attention d’ailleurs au goût que notre nation a manifesté de tout temps pour ce genre de composition. Vainement on nous dit d’un air sombre que le Français n’a plus son ancienne gaîté : j’en demande pardon au ministère public ; la gaîté de nos pères est encore celle de leurs enfants ; aucune loi, aucun procès ne pourra nous empêcher de rire ; et la gaîté franche, ainsi que la bravoure, seront toujours les traits les plus marqués du caractère français.

« Boileau nous l’a dit :


Le Français né malin créa le vaudeville.
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La liberté française en ses vers se déploie.


« Voilà les règles de la matière ; et je puis bien,