Page:Béranger, oeuvres complètes - tome 3.pdf/264

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magistrats et des citoyens à de graves ou d’utiles occupations, pour prononcer sur des couplets de chansons.

« Vainement direz-vous : Mais l’une d’elles excitait à la révolte !… J’ai déjà prouvé que non.

« Qu’est-ce que provoquer au crime ? C’est exhorter ouvertement à le commettre, c’est dire : Prenez, partez, marchez. »


Monsieur l’avocat-général. « Il dit : Déployons-le. »


Me Dupin (avec feu) : « Ajoutez donc sur la frontière. Eh quoi ! lorsqu’un sens généreux s’offre à la pensée ; quand les termes ne présentent aucune équivoque ; quand la défense est appuyée sur l’explication donnée par l’auteur lui-même, n’est-il pas inouï qu’on s’attache obstinément à un sens détourné et que l’on se consume en efforts pour rendre criminel ce qui est innocent ? Ne serait-il pas temps enfin de renoncer à ce système funeste d’interprétation, de conjecture et d’insinuations perfides, incessamment démenties par ceux dont on veut à toute force traduire la pensée ?

« C’est avec la même exagération, messieurs, qu’on a terminé par vous offrir une longue énumération des malheurs qu’on veut attacher à la publication des chansons de Béranger. Elles peuvent ravir, vous a-t-on dit, à la jeune fille sa pudeur, à l’épouse sa chasteté conjugale, au chrétien sa foi, au soldat sa fidélité, au pauvre ses consolations.

« Non, messieurs, elles n’enlèveront rien à personne ; elles ne produiront pas ces sinistres effets ; elles n’inspireront que la gaîté ; et ceux à qui elles déplaisent auront seulement à se reprocher d’avoir accru la vogue de ces chansons, et de l’avoir rendue