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PARNY


romance


Musique de M. B. Wilhem.


Je disais aux fils d’Épicure :
« Réveillez par vos joyeux chants
« Parny, qui sait de la nature
« Célébrer les plus doux penchants. »
Mais les chants que la joie inspire
Font place aux regrets superflus.
            Parny n’est plus !
Il vient d’expirer sur sa lyre :
            Parny n’est plus !

Je disais aux Grâces émues :
« Il vous doit sa célébrité.
« Montrez-vous à lui demi-nues ;
« Qu’il peigne encor la volupté. »
Mais chacune d’elles soupire
Auprès des Plaisirs éperdus.
            Parny n’est plus !
Il vient d’expirer sur sa lyre :
            Parny n’est plus !

Je disais aux dieux du bel âge :
« Amours, rendez à ses vieux ans
« Les fleurs qu’aux pieds d’une volage
« Il prodigua dans son printemps. »
Mais en pleurant je les vois lire
Des vers qu’ils ont cent fois relus.
            Parny n’est plus !
Il vient d’expirer sur sa lyre :
            Parny n’est plus !

Je disais aux muses plaintives :
« Oubliez vos malheurs récents[1] ;
« Pour charmer l’écho de nos rives,
« Il vous suffit de ses accents. »
Mais du poétique délire
Elles brisent les attributs.
            Parny n’est plus !
Il vient d’expirer sur sa lyre :
            Parny n’est plus !

Il n’est plus ! ah ! puisse l’Envie
S’interdire un dernier effort[2] !
Immortel il quitte la vie ;
Pour lui tous les dieux sont d’accord.
Que la Haine, prête à maudire,
Pardonne aux aimables vertus.
            Parny n’est plus !
Il vient d’expirer sur sa lyre :
            Parny n’est plus !

  1. Allusion à la mort de Le Brun, de Delille, de Bernardin de Saint-Pierre, de Grétry, etc.
  2. Autre allusion faite à la mémoire de l’auteur de la Guerre des Dieux.