Page:Béranger - Ma biographie.djvu/147

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de Bossuet et les plus beaux morceaux de Corneille. On cite souvent Pindare, que personne ne comprend bien peut-être ; mais quelle différence entre les poëtes modernes et le lyrique grec, qui, remplissant, en effet, un véritable sacerdoce, à la vue de vingt populations sœurs, assemblées à Olympie, célébrait les héros, la patrie et les dieux, et, entouré de chœurs de danse et de chant, déclamait ses vers d’une voix soutenue par la musique ! Chez nous, le poëte est presque toujours en dehors de son œuvre pour les lecteurs de sang-froid, ce qui devrait lui faire sentir le besoin d’un cadre pour presque tous ses sujets. C’est par l’invention de ses cadres que son génie devrait surtout se signaler, et non par un déluge de vers toujours beaux sans doute, mais qui font penser à cette princesse des contes de fées, dont la bouche ne pouvait s’ouvrir sans vomir des torrents de perles, de rubis et d’émeraudes : pauvre princesse !

Si je tombe ici dans quelque hérésie littéraire, que nos académiciens, qui sont tous si forts sur le latin et le grec, veuillent bien me le pardonner ! Toujours est-il que j’abandonnai l’ode et le dithyrambe, et que je brûlai la valeur d’un petit volume très-emphatique, qui m’avait donné bien des folles espérances. On a dit que rien n’éclaire comme la flamme des manuscrits qu’on a le courage de livrer au feu : je devrais voir bien clair. J’ai connu des auteurs qui n’ont pas