Page:Béranger - Ma biographie.djvu/165

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tu dois donc bien penser que je ne les ai pas crus de toi. Je vais t’apprendre le nom de l’auteur, si tu ne l’as pas encore deviné. »

J’ai plaisir à revenir sur mes rapports avec cet homme si aimable et j’ai toujours regretté d’avoir été contraint de rompre des relations qui peut-être ne lui eussent pas été inutiles. Désaugiers, qui était si gai dans le monde, surtout à table, où réellement il trônait, ne pouvait supporter l’isolement, même momentané. C’est à cela qu’il faut attribuer l’empire qu’on prenait si facilement sur lui. « Quoi ! tu peux rester seul ! me disait-il un jour ; dans la solitude, je mourrais d’ennui et de consomption. On m’appelle le joyeux Désaugiers ; et bien, au fond, il y a de la tristesse en moi. » La vérité de ces paroles m’a été confirmée par Gentil[1], un de ses amis d’enfance. Si, en effet, sa gaieté n’a été qu’un rôle joué pour se distraire, on peut affirmer qu’il n’y a pas eu d’acteur plus parfait que Désaugiers.

Je ne voudrais pas faire de politique ici : j’ai dit ailleurs l’impression douloureuse qu’avaient produite sur moi les deux invasions que la France a subies : mes chansons, si elles me survivent, le prouveront suffisamment.

Toutefois, comme ce qui se passe dans la rue est souvent le point de départ du chansonnier, je veux

  1. Qui depuis a été attaché à l’administration de l’Opéra.