Page:Béranger - Ma biographie.djvu/17

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grand-père qui connaissait depuis longtemps l’abbé***, maître de la pension. Pour complaire à ma cousine, les subordonnés me dorlotaient ; et, grâce à mes fréquentes migraines, j’étais souvent exempté d’aller en classe. De pareilles faveurs me rendaient un objet d’envie. Un jour solennel fit éclater la haine de Grammont. À la distribution des prix, auxquels je n’avais aucune prétention, et que sans regret je voyais donner à mes camarades plus jeunes que moi, n’eus-je pas le malheur insigne d’être gratifié de la croix de sagesse, cet éternel partage des ânes de collége ? J’y avais bien quelque droit, puisqu’il faut parler net, car je n’étais ni joueur, ni bruyant, ni indocile. Mais les élèves ne manquèrent pas de crier haro sur le baudet. Ce qui n’empêcha pas de me décorer de la maudite croix. Si j’en conçus de l’orgueil, cet orgueil fut de courte durée. Ce jour-là même, dans la cour de récréation, où étaient réunis les pensionnaires de tout âge que les parents n’avaient pas encore emmenés en vacances, j’étais à la grille de la rue et lorgnais les marchands de gâteaux et de fruits qui venaient tenter la maigre bourse des écoliers. Les petites sommes que les parents font distribuer à leurs enfants sous le nom de semaine s’échangeaient rapidement contre de si douces friandises. Hélas ! j’étais condamné au seul plaisir de les passer en revue, car moi, je n’avais pas de semaine. Une