Page:Béranger - Ma biographie.djvu/174

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pourquoi Marie-Louise et Joseph nous ont-ils abandonnés ? »

Au reste, si l’Empereur eût alors pu lire dans tous les esprits, il eût reconnu sans doute une de ses plus grandes fautes, une de celles que la nature de son génie lui fit faire. Il avait bâillonné la presse, ôté au peuple toute intervention libre dans les affaires, et laissé s’effacer ainsi les principes que notre Révolution nous avait inculqués : il en était résulté l’engourdissement profond des sentiments qui nous sont les plus naturels. Sa fortune nous tint longtemps lieu de patriotisme ; mais, comme il avait absorbé toute la nation en lui, avec lui, la nation tomba tout entière ; et, dans notre chute, nous ne sûmes plus être devant nos ennemis que ce qu’il nous avait faits lui-même. Toutefois, disons-le à sa louange, ainsi que l’ont prouvé son désir de combattre jusqu’à la dernière cartouche et sa facilité à abdiquer, lui seul, en dehors du peuple, fut patriote dans ce moment solennel. Lui seul ? Non il y en eut un autre, un de nos anciens chefs suprêmes, guerrier savant, vieux républicain désintéressé, proscrit délaissé à qui Napoléon rendit justice trop tard, et qui, voyant la France en danger, n’écouta ni son juste ressentiment, ni même ses opinions, ce qui est un devoir de haute vertu en pareille circonstance. Il est inutile de dire que je parle de l’illustre Carnot, qui demanda