Page:Béranger - Ma biographie.djvu/186

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tion ne méritent guère qu’on les étaye au prix de la moindre partie de son indépendance, parce qu’à l’exception de deux ou trois de ces réputations, les autres doivent disparaître complètement avec nous et peut-être avant nous. J’étais résigné : il ne l’était pas, et le sentiment qu’il devait avoir de sa force suffit pour le faire concevoir. Il ne devait pas souffrir longtemps de l’intrigue qui le priva de l’honneur auquel il avait certes des droits. Quelques jours après, il mourut[1], épuisé de travaux et de veilles, et l’Académie dut regretter que les obsèques magnifiques et populaires, qui lui furent faites, ne fussent pas celles d’un de ses membres : ces messieurs se font habituellement enterrer d’une manière beaucoup plus modeste.

Je viens de dire qu’il était rentré en France avec Bernadotte[2]. Il n’aimait pas que je lui parlasse de cette époque. Mieux lui convenait de parler du rôle qu’il joua, auprès de Napoléon, dans les Cent-Jours.

  1. Le 8 décembre 1830, à Paris. Constant (Henri-Benjamin-C. de Rebecque) était né à Lausanne, le 25 octobre 1767. Lorsque son corps sortit du temple protestant de la rue Saint-Antoine, les jeunes gens du cortège voulurent le porter au Panthéon. Il était devenu fort pauvre ; mais ses derniers jours furent plus heureux, le nouveau roi lui ayant offert noblement de le secourir. « J’accepte, dit Benjamin Constant, mais l’amour de la liberté doit passer avant la reconnaissance, et je serai toujours le premier à signaler les fautes de votre gouvernement. — Je l’entends ainsi, » lui répondit Louis-Philippe.
  2. Benjamin Constant avait quitté la France pour suivre madame de Staël dans son exil.