Page:Béranger - Ma biographie.djvu/189

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de France, crut devoir sonder un des ministres de l’autocrate. Un dîner fut arrangé avec le comte Pozzo di Borgo[1], autre transfuge, Coriolan d’antichambre, qu’un écrivain éhonté n’a pas rougi de mettre en parallèle avec Bonaparte. Charles-Jean, pressé d’aborder la question, demanda au ministre russe si les souverains avaient pris un parti définitif à l’égard de la France. « Ma foi prince, lui répondit le rusé Corse, on y est fort embarrassé, et je pense que les conseils de Votre Altesse, qui connaît si bien ce pays, viendraient fort à propos. Que pensez-vous que doivent faire les puissances ? Quel chef donner à une nation si difficile à gouverner ? » Le Gascon voulait une réponse et non des questions ; toutefois il demande si le choix est encore à faire. « Vous devez le savoir. — Oui, à peu près libre, malgré les instances de la maison de Bourbon. — Il me semble, monsieur le comte que cette famille est bien étrangère ici, et que ce qu’il faut surtout à la France, c’est un chef français qui n’ait rien à reprocher à la Révolution. — Cela ne peut faire aucun doute. — Qu’il faut un homme qui ait des connaissances militaires suffisantes. — Je pense comme Votre Altesse. — Un homme qui s’entende à la grande

  1. Né en 1760 au village d’Alala, en Corse, il fut nommé député à l’Assemblée législative en 1791. Peu après, il se rapprocha de Paoli et livra la Corse aux Anglais. Plus tard il prit du service en Russie.