Page:Béranger - Ma biographie.djvu/19

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Combien j’ai ri de fois en me rappelant cette aventure d’enfance ! Quant à Grammont, heureux s’il s’en fût tenu à de semblables espiègleries !

Quatre ans plus tard, j’apprenais que, devenu, avec son père, un des chefs de l’armée révolutionnaire qui couvrit de sang et de ruines les départements de l’Ouest, le père et le fils avaient commis tant d’atrocités, que pour faire un exemple le Comité de salut public les livrait à la guillotine, qu’ils traînaient dans le bagage de leur armée.

J’appris cette mort avec effroi. J’avais déjà éprouvé quel effet produisait sur moi la vue du sang versé par le meurtre. En octobre 1789, un jour de vacances à la pension, comme je traversais la rue avec une de mes tantes, nous nous trouvons entourés d’une foule d’hommes et de femmes effrayantes à voir. Ils portaient au bout de longues piques les têtes des gardes du corps massacrés à Versailles. À ce spectacle, j’éprouvai une telle horreur, qu’en y pensant j’y vois encore une de ces têtes sanglantes qui passa tout près de moi. Aussi ai-je béni le ciel d’avoir été éloigné de Paris pendant la Terreur.

Bientôt las de payer ma modique pension, mon père, qui était devenu notaire à Durtal, m’envoya à Péronne, ville aux environs de laquelle il était né dans un cabaret de village, ce qui ne l’empêchait pas d’affecter des prétentions à la noblesse. Il les ap-