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bout du pont Royal des canons prussiens braqués sur son palais et qui le menacèrent pendant près d’un mois. Blücher tenta de lui donner le spectacle de la destruction du pont d’Iéna, et, dans son Louvre même, son ami Wellington, qu’il avait fait maréchal de France, ordonna le pillage des statues et des tableaux du Musée[1] sans respect des traités qui nous en avaient assuré la possession.

Parlant un jour de la spoliation de ce musée, le plus riche du monde, je demandais à M. Anglès, émigré de Gand, et depuis peu préfet de police[2], pourquoi on n’avait pas recouru aux hommes des faubourgs, qui se fussent empressés de venir défendre cette propriété nationale : « On s’en serait bien gardé, me répondit-il ; le Musée est trop près du château. » Ajoutez donc foi à tout ce que vous ont dit les royalistes de l’amour que le peuple portait aux Bourbons !

Mais à qui les insultes des généraux étrangers s’adressaient-elles ? Ce n’était plus Napoléon qu’on poursuivait. À qui en pouvaient-ils vouloir ? On a

  1. La spoliation du Musée est l’un des actes qui ont le plus ému le patriotisme de Béranger. On retrouve dans cette indignation, tant de fois marquée par lui, le souvenir des études que pendant trois ans, de 1806 à 1808, il a faites de tous les chefs-d’œuvre de l’art dont nos victoires avaient presque toujours légitimement enrichi Paris.
  2. M. Anglès avait été, sous l’Empire, maître des requêtes, puis l’un des directeurs des bureaux de la police.