Page:Béranger - Ma biographie.djvu/215

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Révolution de juillet pour juger de la portée politique des grands hommes que nous nous étions faits. J’en ai souvent gémi avec Manuel, obligé plus d’une fois de me défendre contre des anathèmes dont je ne faisais que rire pour ce qui me regardait, même lorsque cela allait jusqu’à me priver de l’appui des journaux. Les hommes désintéressés qui sont mêlés au mouvement politique ont bien besoin d’avoir foi dans le peuple : cette foi ne m’a jamais manqué.

Les succès que je dus à la chanson me firent apprécier le bonheur qu’il y avait eu pour moi à voir échouer mes autres tentatives. Si mes précédents essais eussent obtenu quelques suffrages publics, il est vraisemblable que j’aurais, comme tant d’autres jeunes gens, qui s’élancent vers un but trop élevé pour leurs forces, dédaigné le genre inférieur qui m’a valu d’être honoré du suffrage de mes contemporains et, à mes yeux, l’utilité de l’art est ce qui le sanctifie. Sans doute, il m’est resté de la tristesse de tant de projets et de plans avortés ; sans doute, mes jeunes et hautes prétentions ont contribué à m’ôter toute illusion sur la valeur littéraire de mes succès ; mais il n’en est pas moins certain que, porté par sentiment et par caractère à consacrer mes talents, quels qu’ils fussent, au service de mon pays, j’ai rempli l’humble tâche qui m’était marquée.

Je dois pourtant avouer qu’à près de quarante ans