Page:Béranger - Ma biographie.djvu/223

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

velles chansons. Je l’ai dit : c’était perdre le modique emploi qui me faisait vivre sans beaucoup de travail et où j’étais entouré d’amis ; car, malgré ma franchise un peu caustique, j’ai toujours eu le bonheur de voir s’attacher à moi ceux avec qui j’ai vécu. Mais il me convenait mieux de sacrifier ainsi ma place que de publier mes volumes séditieux après qu’on me l’aurait ôtée, ce qui pouvait arriver un jour ou l’autre. Leur publication eût eu, dans ce cas, un air de vengeance qui n’allait pas à mon caractère. D’ailleurs, le parti libéral était dans le plus grand désarroi : de folles espérances venaient de s’évanouir, et les meneurs de l’opposition semblaient saisis d’une sorte de panique. Le moment était donc bien choisi, puisque l’apparition de mes volumes, longtemps attendus, et le procès que tout faisait pressentir et qui devait les dorer sur tranche, comme je disais alors, pouvait être un moyen de réchauffer un peu l’opinion, qu’un rien abat, qu’un rien peut relever. Plusieurs libéraux, et des plus riches, qui, six mois avant, me poussaient à cette démonstration, voulurent alors l’entraver. Comme je publiais par souscription, tel qui s’était fait inscrire pour un nombre énorme d’exemplaires, en m’excitant à faire tirer à plus de dix mille, me signifia, au dernier moment,

    Conseil de la cour royale, et le 20 novembre l’avocat général Marchangy demandait la mise en accusation de l’auteur.