Page:Béranger - Ma biographie.djvu/25

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

m’instruire de cette arrestation, elle m’emmène à la ville, où je la vois avec surprise se diriger vers la prison. Lorsqu’elle est près de frapper au guichet : « Mon enfant, me dit-elle, nous allons voir d’honnêtes gens, de bons citoyens privés de leur liberté par une accusation calomnieuse : j’ai voulu t’apprendre à combien de persécutions la vertu est exposée dans les temps de troubles politiques. »

De pareilles leçons, données ainsi, restent profondément gravées dans un jeune esprit.

Il m’en fut donné d’un autre genre. Tant que les églises restèrent ouvertes, ma tante m’y conduisit ou m’y envoya exactement. Elle me força même de servir la messe d’un prêtre de sa connaissance, à qui, depuis, frère Jean des Entomeures m’a souvent fait penser. Il fallut apprendre le latin de l’office, et, chose bizarre, malgré mon excellente mémoire, je ne pus jamais savoir de latin par cœur. Aussi, à ma première communion, le curé, au mépris des canons, fut contraint de me laisser dire mes prières en français.

Pour en revenir à mon apprentissage d’enfant de chœur, je le remplis si gauchement, j’estropiai ou embrouillai si bien les répons, j’usai si maladroitement des burettes, que l’abbé, qui pourtant n’y devait pas regarder de trop près, voyant un jour qu’il ne restait plus de vin pour la consécration,